[Facil] Lignes d'actions collectives
Stéphane Couture
steph at koumbit.org
Dim 28 Jan 11:20:17 EST 2007
Bonjour
Je ne suis pas très actif sur cette liste de discussion depuis quelques
jours étant donné un échéancier du 31 janvier pour remettre quelques
travaux. J'aimerais toutefois prendre quelques minutes pour répondre à
un courriel de Marco qui me posait ces questions:
"Ok, veux tu dire que ça commence par nous-même ? Veux tu
dire qu'il faut au moins essayer de gagner sa vie avec 100% de
logiciels libres pour être capable de défendre que c'est possible
de le faire ?"
Je dois avouer que j'ai un peu de difficulté à répondre à ces
questions. D'abord, je dois dire que je suis-même plutôt "pur" (ou
peut-être puritain finalement) dans le sens que j'essaie moi-même de
n'utiliser que des logiciels libres, que j'ai participé au développement
d'action concrète liées au logiciel libre, et que je lis et écris
beaucoup sur le sujet. À mon avis, il faut un noyau de convaincus pour
initier un changement social (ou devrais-je dire, un changement
sociotechnique...); et c'est avant tout pour cette raison que j'apprécie
beaucoup la présence d'individus comme Marco ou Robin au sein de Facil.
Mais il ne faut pas que ça...
Si nous voulons faire la promotion de l'informatique libre et plus
généralement, des formes libres et ouvertes de partage de connaissance
et d'innovation technique, je crois qu'il faut tenter de saisir la
pluralité des dispositifs techniques et des usages qui sont en jeu . Un
"serveur" est destiné à un usage collectif et diffère d'un "Desktop" à
usage individuel. Un petit applet qui indique le temps de la pause n'a
pas la même importance qu'une serveur critique contenant les
renseignements médicaux pour l'ensemble de la population québécoise. De
même, si un dirigeant (entreprise, ONG, commission scolaire, ministère,
état) établit une politique à l'effet que toutes les infrastructures de
son organisation doivent être libres (ou ouvertes), j'avoue que je ne
lui tiendrai pas gré si lui-même préfère utiliser Windows...
Je connais des gens qui travaillent activement à développer des
solutions en logiciel libre auprès des communautés, mais qui ne se
sentent pas capable d'utiliser Linux sur leur ordinateur personnel.
J'en connais d'autres qui manipulent avec difficulté les systèmes
informatiques mais qui ont pourtant un compréhension aigue des
dynamiques sociales et politiques entourant les technologies de
l'information et l'informatique libre en particulier. Il faut certe
qu'il y ait un minimum de cohérence entre l'engagement individuel et
l'engagement collectif mais, à mon avis, on doit aussi accepter une
certaine part de contradiction entre ces deux niveaux d'action.
À mon avis Facil, ou toute autre organisation qui désire travailler à
l'appropriation collective de l'informatique libre, devrait s'attacher à
faire ressortir quelques lignes d'actions *collectives* qui font
consensus parmi ses membres, et laisser les individus vivre avec leurs
propres contradictions et ambiguïtés.
Mais bon, c'est une perspective comme tant d'autre; la vérité est
peut-être ailleurs. S'il n'y en a qu'une...
Stéphane
---
"Comprendre avec Cervantes le monde comme ambiguité, avoir à affronter,
au lieu d'une seule vérité absolue, un tas de vérités relatives qui se
contredisent (vérités incorporées dans des égos imaginaires appellés
personnages), posséder donc comme seule certitude la sagesse de
l'incertitude, cela exige une force non moins grande."
Milan Kundera, l'art du roman (Gallimard 1986), p. 17
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